C’est l’histoire d’une promesse, formulée un soir d’été dans l’intimité d’une forêt autrichienne. La promesse de fonder une famille. Une promesse teintée d’incertitude. L’endométriose ne m’a pas épargnée, mais nous nourrissons malgré tout l’espoir de voir des enfants naître de notre amour. Cela prendra sans doute du temps, ou peut-être cela ne fonctionnera jamais mais nous aurons essayé…
La nouvelle tant attendue d’une grossesse est arrivée, le 19 septembre 2019. Nous étions heureux, mais avons vécu les premiers mois dans la crainte de voir tous nos espoirs anéantis. C’était un bonheur silencieux et prudent, nous avons longuement patienté avant d’en parler à nos proches de peur que tout s’arrête du jour au lendemain. Puis les mois ont passé et nous nous sommes autorisés à imaginer notre vie avec ce petit bout de chou qui avait l’air de s’accrocher.
Ma sage-femme m’a un jour demandé quels étaient mes souhaits vis à vis de l’accouchement et mes seules réponses ont été : que mon compagnon soit présent à mes côtés et que je puisse être sous péridurale si j’en ressentais le besoin. Puis est arrivé le Covid-19 avec son lot de chamboulements… Les deux choses que je considérais acquises sont devenues alors plus qu’incertaines.
Grâce à la belle initiative de Candice d’organiser des lives traitant de l’accouchement et la maternité, je me suis surprise à envisager un accouchement sans péridurale. Moi qui ne comprenait jusqu’alors pas l’utilité de souffrir inutilement, je discernais maintenant des aspects qui me faisaient changer d’avis sur la question. Un accouchement plus rapide, un bébé et une maman en forme… Que demander de mieux ?
Ressentant comme d’habitude le besoin de tout planifier, tout contrôler, j’ai suivi attentivement les excellentes interventions de Florence, Gwenaëlle et Marine et lu plusieurs livres qui ont fini de me convaincre. Je me suis forgée un avis, ai fait des fiches récapitulatives, en ai discuté avec mon compagnon et me suis focalisée sur quelques conseils qui ont résonné en moi. À quelques semaines du terme, nous nous sentions prêts et sereins.
À J-15 du terme prévisionnel, le mercredi 20 mai 2020
5h15 – Après un énième passage aux toilettes dans la nuit, l’envie de dormir s’est volatilisée pour laisser place à la nécessité d’un bain chaud.
5h45 – Des sensations étranges viennent perturber la quiétude du petit matin. Je ne pense pas que ce soit des contractions. Quoique, ça parait plutôt rapproché et régulier, et si ? Après vérification, les-dites sensations se produisent toutes les 3 minutes, et deviennent de plus en plus puissantes au fil des heures qui s’égrènent. Je cherche les positions qui me soulagent … Le bain, non. Allongée, non plus. Tantôt penchée en avant sur l’évier de la salle de bain, tantôt pendue au sèche-serviette, ça aide. Pendant un temps.
7h25 – Rompant le silence de la nuit et interrompant délicatement le sommeil profond de Julien : « Mon amour, il semblerait que notre fils ait prévu de nous rencontrer aujourd’hui ».
7h26 – La panique dans ses yeux. Tout s’enchaîne ensuite pour lui : promener notre chien, revenir en courant car j’ai perdu du sang, appeler la maternité, rassembler les dernières affaires puis prendre la route de l’hôpital. Les 15 minutes de route théoriques se sont transformées en 45 minutes dans la pratique. Les contractions sont ingérables assise, nous nous arrêtons toutes les 3 minutes pour que je marche, m’accroupisse ou m’allonge dans l’herbe, encore fraîche de la rosée matinale.
8h50 – Nous arrivons à l’hôpital. Julien est prié d’attendre à l’extérieur pendant que l’on me place sous monitoring et m’examine. Le col est à 3 cm et déjà bien effacé, c’est donc pour aujourd’hui ! La sage-femme s’enquiert de mes envies pour l’accouchement. Ma volonté a quelque peu faibli, les vagues sont intenses et je doute de ma capacité à mener à bien mon projet d’accouchement naturel. Je ne suis plus sûre de rien mais la volonté prend le dessus sur la douleur. Prendre les choses étape par étape, voilà ce que je dois faire. Pour l’instant, c’est encore gérable et le bain qu’elle me propose m’aidera à faire face à cet inconfort. Seulement, cette proposition vient avec une condition : Julien n’est pas autorisé à rentrer dans la salle où se situe la baignoire, mesures Covid-19 obligent. Face à ce dilemme, ma décision est étonnamment vite prise, le bain me fera d’avantage de bien que la présence de Julien, pour l’instant du moins. Est-ce égoïste ? Peut-être, mais c’est la dernière de mes préoccupations à cet instant. Me mettre dans mon cocon et faire avancer mon bébé, c’est la priorité maintenant.
Les secondes, les minutes, les heures passent. Le temps s’étire et je perds toute notion de temporalité. Dans la chaleur du bain, j’accueille chacune des vagues qui rapproche mon bébé de sa naissance. Nous travaillons de concert : mon ventre se déforme et je devine mon bébé qui entame sa descente.
Les examens confirment ma pensée, le travail suit son cours.
4.5 cm – La douleur est présente mais bébé avance. Savoir que l’essentiel du travail est en fait du repos m’est d’une grande aide. Gérer chaque contraction sans penser à la prochaine, c’est la clé.
6.5 cm – Nous avons fait plus de la moitié, dans quelques heures bébé sera là. J’interroge la sage-femme: cela va-t’il faire plus mal encore ? Réponse affirmative de sa part. Je serre les dents et me répète en boucle : Je suis une lionne, je suis puissante.
8 cm – Plus de retour en arrière possible, bébé arrive. Je rejoins Julien dans la salle d’accouchement. La douleur est à son paroxysme. Dire que je n’ai pas eu mal serait mentir. J’ai eu envie de m’enfuir, de tout arrêter, je lui ai juré que nous n’aurions pas d’autre enfant. D’ordinaire discrète, je ne me suis plus reconnue, j’ai hurlé comme jamais et oublié toute pudeur. Malgré tout, je n’ai pas eu peur, car j’avais appris que tout cela voulait dire une chose : notre bébé serait bientôt là. Et puis, j’ai perdu les eaux et ressenti le besoin de pousser. Jamais je n’aurai imaginé accoucher à 4 pattes et pourtant… Serrant les mains de mon chéri, mon front contre le sien, nous mettions au monde notre enfant. Le besoin irrépressible de pousser a inexplicablement pris le pas sur l’intensité de la douleur. Je le savais, je le sentais, encore une poussée et notre bébé serait là. Puis, son premier cri retentit et on le place dans mes bras, si petit, si fragile, si réel. Le coeur gonflé, la douleur s’est envolée. J’ai pu lire l’émotion dans les yeux de mon amoureux. Notre petite merveille, notre petit miracle, notre fils Luca était parmi nous.
Le 20 mai 2020 à 14h54, notre vie a basculé.
L’accouchement me faisait tellement peur que je me suis focalisée dessus, oubliant un peu l’après. Et voilà que nous y sommes.
En tête à tête avec Luca dans ma chambre d’hôpital, je me remémore ces paroles parfaites pour l’occasion : Maintenant que t’es dans le grand bain, devine comment on nage. Quel plongeon que la parentalité ! C’est effrayant de savoir que ce petit être dépend entièrement de nous. Et pourtant, rien ne me paraît plus inné que de m’occuper de lui. Je ne dis pas que c’est facile, les hormones et la fatigue auraient vite fait de me contredire. Je n’ai jamais changé de couches ou tenu un nouveau-né dans mes bras avant et pourtant, j’ai l’impression d’avoir été conçue pour prendre soin de notre bébé.
Aujourd’hui nous sommes le 4 juin, le jour où tu aurais dû naître mon fils. Et pourtant, je te tiens lové tout contre moi, tu as 2 semaines déjà. Endormi sur ma poitrine, je sens ta respiration. Ta petite main se sert contre ma peau, tes jolis traits sont apaisés. Tout le monde dort encore et je profite de chaque seconde de cette intimité magique. Je le sais, ce moment privilégié passera bien trop vite. Je regarde mon amoureux et mon fils endormis, et je me dis que j’ai de la chance. Je suis heureuse.
À toutes les futures mamans qui me lisent, j’aimerai dire que ce récit pourrait être le vôtre. Je n’ai d’ordinaire aucune confiance en moi et pourtant, j’ai trouvé une force dont je ne m’estimais pas capable. Vous la trouverez aussi.
Je ne suis pas une héroïne. Si j’en ai été capable, vous le serez aussi. Ne doutez pas de vous, suivez votre instinct. Votre corps et votre bébé savent ce qu’ils ont à faire, laissez-vous guider. Le travail sera intense, autant physiquement qu’émotionnellement parlant mais que la récompense est belle !
Références de livres :
Comment accoucher avec le sourire… ou presque ! de Sarah Farri
Le guide de la naissance naturelle, Ina May Gaskin
Hypnonaissance la méthode Mongan, Marie Mongan
Papa débutant : Le guide que tous les jeunes pères attendaient ! de Lionel Paillès